Une revendication s’est invitée au cours de l’examen en commission du projet de loi bioéthique. Cette revendication, notamment des marchands de tests génétiques, est relayée par plusieurs députés Modem et LREM.
Cette revendication consiste à étendre le diagnostic pré-implantatoire (DPI) à la trisomie 21 et plus largement aux aneuploïdies[1] (on parle également de DPI-A).
De quoi s’agit-il ?
Le DPI est pratiqué dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA). Il consiste à analyser et trier des embryons créés par PMA pour détecter une pathologie d’origine génétique. Le DPI aboutit à détruire les embryons malades.
Le DPI ne permet pas de rechercher n’importe quelle maladie. Afin d’éviter la discrimination des personnes malades, le législateur a refusé d’établir une liste pointant les maladies pouvant être recherchées dans ce cadre. Ne peuvent recourir au DPI que les couples porteurs d’une maladie génétique héréditaire et « d’une particulière gravité » selon les termes de la loi.
La trisomie 21 n’étant pas une maladie héréditaire, actuellement elle ne peut pas être diagnostiquée in vitro via le DPI. La revendication visant à étendre le DPI à la trisomie 21 (c’est-à-dire au-delà des maladies génétiques héréditaires) aboutit à élargir la sélection des êtres humains dans l’éprouvette. Elle aboutirait à la destruction automatique des embryons porteurs de trisomie 21.
Quelles seraient les conséquences de l’extension du DPI à la trisomie 21 ?
Cette revendication revient à vouloir empêcher la naissance d’enfants trisomiques. Elle véhicule un message collectif de rejet, de stigmatisation et de discrimination à l’égard des personnes porteuses de trisomie 21. Elle renforce l’idée qu’il vaut mieux que les enfants porteurs de ce handicap ne naissent pas, pour eux-mêmes, pour leurs parents et pour la société.
Vouloir légaliser le DPI pour la trisomie 21 c’est dire collectivement que les personnes trisomiques n’ont pas la même dignité que nous. Ce message violent affaiblit le dynamisme, la solidité et l’intérêt d’une politique d’inclusion.
Considérant qu’ « autoriser cette pratique conduirait manifestement à une dérive eugénique », la Ministre de la santé Agnès Buzyn s’est opposée à l’extension du DPI à la trisomie 21.
En tant que tel, la pratique du DPI qui conduit à l’élimination d’embryons humains en raison de leur génome « imparfait » est par nature eugéniste. Jacques Testart, biologiste et père scientifique du premier bébé éprouvette, combat depuis plusieurs années le tri des embryons via le DPI. Selon lui, autoriser la détection de la trisomie 21 par DPI revient à « établir une liste des pathologies susceptibles d’être recherchées dans le cadre d’un DPI ». Il rappelle que « les nazis ont dressé des listes des ‘ tares ‘, comme les Japonais après-guerre et les Chinois dans les années 1990 ». La constitution d’une liste « heurte le respect que l’on doit aux personnes malades. De plus, ces listes ne peuvent être qu’extensibles. »[2].
Ainsi, l’extension du DPI aux aneuploïdies, notamment à la trisomie 21, aggravera cette dérive eugéniste.
Cette revendication constitue une manne financière pour les industriels des tests génétiques. Ils ont déployé un lobbying discret mais efficace auprès des députés pour obtenir sa légalisation.
Lors de son audition par la mission d’information parlementaire sur la révision de la loi de bioéthique le 18 octobre 2018, le professeur[3] Jean-Paul Bonnefont alertait les parlementaires sur ce point :
« N’omettons pas d’aborder l’aspect financier. Si l’on demande aux laboratoires d’ajouter un test d’anomalies chromosomiques pour tous les DPI qui ne le justifient pas au départ, cela va coûter cher à la société. En revanche, l’enjeu financier sera tout à fait intéressant pour les laboratoires – en particulier les établissements privés – qui vont développer ce type de tests. Faisons attention à ne pas nous laisser intoxiquer par des professionnels qui auraient des arrière-pensées plus financières que médicales. »
Au regard de l’ensemble de ces enjeux, il convient de s’opposer avec force à l’extension du diagnostic pré-implantatoire à la trisomie 21.
[1] Aneuploïdie = État d'une cellule qui présente un nombre anormal de chromosomes. Le terme technique utilisé dans l’amendement est « numération des autosomes » (=chromosomes non sexuels).
[2] Assemblée nationale, audition de M. Jacques Testart, directeur de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) dans le cadre de la révision de la loi bioéthique de 2011- Procès-verbal de la séance du mercredi 18 mars 2009.
[3] Professeur de génétique à l’Université Paris Descartes IHU IMAGINE (UMR1163) et médecin praticien hospitalier, directeur de la Fédération de génétique médicale